Larecherche de la vĂ©ritĂ© peut-elle se passer du doute ? ĂnoncĂ©. La recherche de la vĂ©ritĂ© peut-elle se passer du doute ?
La difficultĂ© Ă atteindre la vĂ©ritĂ© peut conduire l'homme Ă douter de sa rĂ©alitĂ©. Faut-il vraiment rechercher la vĂ©ritĂ© ou au contraire trouver une forme de sagesse en y renonçant ? I La vĂ©ritĂ© un idĂ©al inaccessible ? 1 Le scepticisme Si l'on dĂ©finit la vĂ©ritĂ© comme l'adĂ©quation entre le discours et la rĂ©alitĂ©, alors atteindre la vĂ©ritĂ© suppose un moyen de vĂ©rifier si ce que l'on dit correspond bien Ă la rĂ©alitĂ© en soi. Les sceptiques comme Sextus Empiricus considĂšrent que l'homme ne peut pas atteindre la vĂ©ritĂ©, dans la mesure oĂč ni sa raison, ni ses sens ne lui permettent de saisir la rĂ©alitĂ© telle qu'elle est. Cette thĂšse a des implications morales. Ce qui rendrait l'homme malheureux, ce n'est pas le doute mais le fait de croire possĂ©der la vĂ©ritĂ©. Suspendre son jugement permettrait donc Ă l'homme d'ĂȘtre heureux. 2 Les limites du scepticisme Pour Aristote, un scepticisme intĂ©gral conduit Ă l'inaction, car toute action implique une croyance qui la motive, et au silence, car dire quelque chose implique toujours une affirmation. Ainsi, le scepticisme se nie lui-mĂȘme. Il semble donc nĂ©cessaire de ne pas abandonner l'idĂ©al de vĂ©ritĂ©. II La vĂ©ritĂ© une valeur parmi d'autres ? Le terme d'idĂ©al est ambigu, car il dĂ©signe tantĂŽt ce que l'on ne peut pas atteindre, tantĂŽt ce que l'on doit poursuivre. La vĂ©ritĂ© est un idĂ©al en ce qu'il paraĂźt lĂ©gitime de la rechercher. Atteindre la vĂ©ritĂ© est donc un objectif porteur de sens. La vĂ©ritĂ© est ainsi une valeur importante, d'un point de vue individuel et collectif. Mais n'entre-t-elle pas en conflit avec d'autres valeurs importantes ? 1 VĂ©ritĂ© et politique Certes, la vĂ©ritĂ© est une valeur importante en politique on attend des hommes politiques qu'ils disent la vĂ©ritĂ©, des citoyens qu'ils se tiennent informĂ©s de l'actualitĂ©. Mais dans la mesure oĂč l'activitĂ© politique engage des dĂ©cisions quant Ă l'avenir, la politique ne saurait se rĂ©duire Ă une science. C'est pourquoi l'efficacitĂ© d'un discours importe plus que sa vĂ©ritĂ© pour les sophistes. La politique n'est pas la simple mise en Ćuvre d'une vĂ©ritĂ© prĂ©alablement dĂ©gagĂ©e. Elle implique des convictions qui ne sont pas de l'ordre de la connaissance. Pourtant, la constitution d'un espace public implique des dĂ©bats dont l'horizon est toujours la vĂ©ritĂ©. Ainsi, pour Arendt, si la vĂ©ritĂ© n'est pas la seule valeur qui compte en politique, elle revĂȘt nĂ©anmoins une importance considĂ©rable pour distinguer les diffĂ©rentes opinions. Respecter la vĂ©ritĂ© factuelle » est une condition du dĂ©bat. Ă noter Alain insiste sur la nĂ©cessitĂ©, pour les citoyens, de s'interroger sur la vĂ©ritĂ© des discours des diffĂ©rents acteurs publics. Si le citoyen doit obĂ©ir aux pouvoirs, il doit cependant aussi s'en mĂ©fier. 2 VĂ©ritĂ© et bonheur Dans la mesure oĂč la recherche de la vĂ©ritĂ© implique un effort, elle semble s'opposer au bonheur individuel. Pourquoi chercher la vĂ©ritĂ© si celle-ci vient dĂ©ranger mon confort ? En ce sens, l'illusion paraĂźt plus douce que l'effort Ă fournir pour atteindre la vĂ©ritĂ©. Kant montre que la recherche de la vĂ©ritĂ© est aussi un effort d'Ă©mancipation de toutes les tutelles illĂ©gitimes qui prĂ©tendent dicter Ă l'individu sa conduite ou sa pensĂ©e. Il s'agit de sortir d'un Ă©tat de minoritĂ© dont nous sommes nous-mĂȘmes responsables, par paresse ou par lĂąchetĂ©. Ainsi, la vĂ©ritĂ© est un idĂ©al au sens oĂč les hommes doivent sans cesse la chercher pour ĂȘtre vĂ©ritablement libres.
Ilva falloir renoncer Ă la prĂ©tention de dĂ©tenir une vĂ©ritĂ© et opter pour la prudence maximale et la vĂ©rification perpĂ©tuelle de ce que nous croyons savoir. Devant lâeffort colossal que cela implique, on comprend lâattrait du dogme, beaucoup plus reposant. Le monde autour de nous est lĂ . Quâon le veuille ou non. Ce que je peux apprendre de ce monde, chacun doit pouvoir le
9. En 1 TimothĂ©e 118, 19, Ă quoi Paul a-ât-âil encouragĂ© TimothĂ©e ? 9 Lire 1 TimothĂ©e 118, 19. Paul a comparĂ© TimothĂ©e Ă un soldat et il lâa encouragĂ© Ă continuer Ă faire la belle guerreâ 1 Tim. 118, 19. Il ne sâagissait pas dâune guerre littĂ©rale, mais spirituelle. Dans quels aspects de leur vie les chrĂ©tiens sont-âils comme des soldats engagĂ©s dans une guerre ? Quelles qualitĂ©s les soldats de Christ doivent-âils dĂ©velopper ? Examinons cinq leçons que nous pouvons tirer de la comparaison de Paul. Ces leçons nous aideront Ă garder prĂ©cieusement la vĂ©ritĂ©. 10. Pourquoi devons-ânous dĂ©velopper notre attachement Ă Dieu ? 10 DĂ©veloppe ton attachement Ă Dieu. Un bon soldat est loyal il se bat avec dĂ©termination pour protĂ©ger une personne ou une chose auxquelles il est attachĂ©. Paul a encouragĂ© TimothĂ©e Ă dĂ©velopper son attachement Ă Dieu 1 Tim. 47. Plus notre amour pour Dieu et notre attachement Ă sa personne seront forts, plus nous serons dĂ©terminĂ©s Ă garder prĂ©cieusement la vĂ©ritĂ© 1 Tim. 48-10 ; 66. Ă la fin dâune longue journĂ©e de travail, nous devons peut-ĂȘtre nous forcer un peu pour assister Ă une rĂ©union. Mais nous en retirons toujours des bienfaits ! voir paragraphe 11. 11. Pourquoi nous faut-âil ĂȘtre disciplinĂ©s ? 11 Cultive lâautodiscipline. Pour rester apte au combat, un soldat doit ĂȘtre disciplinĂ© dans ses habitudes de vie. TimothĂ©e est restĂ© en bonne condition spirituelle parce quâil a suivi le conseil de Paul de fuir les mauvais dĂ©sirs, de cultiver les qualitĂ©s chrĂ©tiennes et de se rĂ©unir avec ses frĂšres et sĆurs 2 Tim. 222. Pour cela, il fallait quâil sâimpose une discipline. De la mĂȘme façon, pour gagner la guerre contre nos mauvais dĂ©sirs, nous devons cultiver lâautodiscipline Rom. 721-25. Il nous faut aussi ĂȘtre disciplinĂ©s pour continuer de revĂȘtir la nouvelle personnalitĂ© et de nous dĂ©barrasser de la vieille personnalitĂ© Ăph. 422, 24. Et quand nous sommes fatiguĂ©s Ă la fin dâune longue journĂ©e, nous devons parfois nous forcer un peu pour assister Ă une rĂ©union HĂ©b. 1024, 25. 12. Comment pouvons-ânous apprendre Ă manier plus efficacement la Parole de Dieu ? 12 Un soldat doit sâentraĂźner Ă manier ses armes. Et pour ĂȘtre habile, il doit le faire rĂ©guliĂšrement. De mĂȘme, nous devons nous entraĂźner Ă bien manier la Parole de Dieu 2 Tim. 215. Nos rĂ©unions nous donnent une bonne formation pour cela. Mais si nous voulons ĂȘtre capables de convaincre dâautres personnes de la valeur des vĂ©ritĂ©s bibliques, nous devons aussi avoir de bonnes habitudes dâĂ©tude individuelle. Nous devons nous servir de la Bible pour fortifier notre foi. Cependant, il ne suffit pas de la lire. Pour bien comprendre ce quâun passage enseigne et en tirer les bonnes applications, il nous faut aussi mĂ©diter et faire des recherches dans nos publications 1 Tim. 413-15. Alors nous serons capables de manier efficacement la Parole de Dieu pour lâenseigner Ă dâautres. LĂ encore, il ne suffit pas de leur lire un passage de la Bible. Si, lors dâune conversation avec une personne, nous lui lisons un verset, nous devons lâaider Ă le comprendre et Ă voir quelle leçon pratique elle peut en tirer. En gardant de bonnes habitudes dâĂ©tude, nous apprendrons Ă manier la Parole de Dieu plus efficacement pour enseigner les gens 2 Tim. 316, 17. 13. ConformĂ©ment Ă HĂ©breux 514, pourquoi devons-ânous faire preuve de discernement ? 13 Fais preuve de discernement. Un soldat doit savoir anticiper le danger pour lâĂ©viter. Pareillement, nous devons apprendre Ă repĂ©rer les situations dangereuses sur le plan spirituel, puis chercher Ă les Ă©viter Prov. 223 ; lire HĂ©breux 514. Par exemple, il nous faut choisir avec discernement nos loisirs et nos divertissements. Souvent, les Ă©missions de tĂ©lĂ©vision et les films mettent en avant des modes de vie contraires Ă la morale biblique. Or les conduites sexuelles immorales offensent Dieu et ont toujours de graves consĂ©quences. Câest pourquoi nous rejetons les divertissements qui pourraient dĂ©truire progressivement notre amour pour Dieu Ăph. 55, 6. 14. Comment Daniel a-ât-âil fait preuve de discernement ? 14 Daniel, dĂ©jĂ mentionnĂ©, a fini par prendre conscience du danger des jeux vidĂ©o violents ou spirites. Il a donc cherchĂ© dans Watchtower Library des articles qui en parlent. RĂ©sultat ? Il a arrĂȘtĂ© de jouer Ă ce genre de jeux vidĂ©o. Il a annulĂ© ses abonnements aux jeux en ligne et il a coupĂ© tout contact avec les autres joueurs sur Internet. Au lieu de jouer Ă des jeux vidĂ©o, dit-âil, je me suis mis Ă pratiquer des activitĂ©s de plein air et Ă passer du temps avec des frĂšres et sĆurs de mon assemblĂ©e. » Daniel est aujourdâhui pionnier et ancien. 15. Pourquoi la propagande des apostats est-âelle dangereuse ? 15 Comme TimothĂ©e, nous devons apprendre Ă discerner un autre danger les fausses informations diffusĂ©es par les apostats 1 Tim. 41, 7 ; 2 Tim. 216. Les apostats peuvent chercher Ă rĂ©pandre des mensonges sur nos frĂšres ou des rumeurs sur lâorganisation de JĂ©hovah. Ces fausses informations pourraient affaiblir notre foi. Ne nous laissons pas influencer par la propagande des apostats. En effet, ce sont des hommes Ă lâintelligence corrompue, des hommes privĂ©s de la vĂ©ritĂ© ». Leur objectif est de provoquer des disputes et des dĂ©batsâ 1 Tim. 64, 5. Ils veulent nous amener Ă croire Ă leurs calomnies et Ă penser du mal de nos frĂšres. 16. Quâest-âce qui pourrait nous dĂ©tourner de nos prioritĂ©s ? 16 Ne te laisse pas distraire. Comme un excellent soldat de Christ », TimothĂ©e devait concentrer ses efforts sur son ministĂšre. Il ne devait pas se laisser distraire par une carriĂšre professionnelle ou la recherche de biens matĂ©riels 2 Tim. 23, 4. Nous non plus, nous ne devons pas nous laisser dĂ©tourner de nos prioritĂ©s par lâenvie dâacquĂ©rir plus de biens matĂ©riels. Le pouvoir trompeur de la richesse » pourrait nous faire perdre notre amour pour JĂ©hovah, notre reconnaissance pour sa Parole et notre dĂ©sir de parler de la vĂ©ritĂ© aux autres Mat. 1322. Nous devons garder une vie simple et consacrer notre temps et notre Ă©nergie Ă continuer Ă chercher dâabord le Royaumeâ Mat. 622-25, 33. 17-18. Que pouvons-ânous faire pour nous protĂ©ger sur le plan spirituel ? 17 Tiens-âtoi prĂȘt Ă rĂ©agir rapidement. Un soldat doit rĂ©flĂ©chir Ă lâavance Ă la maniĂšre de rĂ©agir face Ă un danger. Si nous voulons protĂ©ger les biens prĂ©cieux que JĂ©hovah nous a confiĂ©s, nous devons rĂ©agir rapidement en cas de danger. Pour cela, il est important de dĂ©terminer Ă lâavance Ă ce quâil nous faut faire. 18 Avant le dĂ©collage dâun avion, les hĂŽtesses demandent aux passagers de repĂ©rer les issues de secours. Pourquoi ? Pour quâils puissent quitter lâavion rapidement si nĂ©cessaire. De mĂȘme, avant dâaller sur Internet ou de regarder un film ou une Ă©mission de tĂ©lĂ©vision, nous devons repĂ©rer Ă lâavance quelle issue de secours » nous emprunterons si nous tombons sur une scĂšne immorale ou de violence crue, ou sur des propos tenus par des apostats. Si nous anticipons le danger, nous pourrons rĂ©agir rapidement. Nous nous protĂ©gerons alors sur le plan spirituel et resterons purs aux yeux de JĂ©hovah Ps. 1013 ; 1 Tim. 412. 19. Si nous protĂ©geons les biens prĂ©cieux que JĂ©hovah nous a confiĂ©s, quels bienfaits en retirerons-ânous ? 19 JĂ©hovah nous a confiĂ© les vĂ©ritĂ©s bibliques ainsi que lâhonneur de les enseigner Ă dâautres. Si nous protĂ©geons ces biens prĂ©cieux, nous en retirerons de grands bienfaits une bonne conscience, une vie qui a vraiment du sens et la joie dâaider dâautres personnes Ă connaĂźtre JĂ©hovah. Avec son soutien, nous rĂ©ussirons Ă garder prĂ©cieusement ce quâil nous a confiĂ© 1 Tim. 612, 19.
Cordialement "Admettre la relativité des vérités conduit-il à renoncer à toute idée de vérité?" Bien distinguer les "vérités" relatives à telle ou telle époque et l'idée de vérité. Une idée c'est ce à quoi rien de sensible ne correspond, autant dire que c'est un idéal, une sorte de principe régulateur qui permet de repérer
Introduction On oppose gĂ©nĂ©ralement la discussion, l'Ă©change d'arguments Ă l'Ă©change de coups, c'est-Ă -dire Ă la violence. Ainsi, Il y aurait une diffĂ©rence de nature entre la discussion et la violence. La discussion serait pacifique et la violence ne le serait pas. Mais est-ce bien le cas ? On oppose Ă©galement la discussion au dialogue. Une discussion peut ĂȘtre violente et dĂ©boucher sur un Ă©change de coups, alors que le dialogue du grec dia, deux et logos, discours exclut normalement la violence. La parole serait immatĂ©rielle ; parler, ce n'est pas la mĂȘme chose qu'agir ou faire, donc la discussion exclurait la violence. On dit que deux personnes ont eu une violente ou une vive discussion, mais non qu'ils ont eu un dialogue violent. Il n'y a pas la violence d'un cĂŽtĂ© et les mots de l'autre, mais la violence peut rĂ©sider Ă©galement dans les mots, d'ailleurs elle commence avec les mots. Il y a des mots violents, les insultes ou les moqueries par exemple qui constituent des violences psychologiques. Le harcĂšlement moral ne s'accompagne pas forcĂ©ment de violences physiques, mais peut entraĂźner des consĂ©quences tout aussi graves. Selon l'OMS, la violence est l'utilisation intentionnelle de la force physique, de menaces Ă l'encontre des autres ou de soi-mĂȘme, contre un groupe ou une communautĂ©, qui entraĂźne ou risque fortement d'entraĂźner un traumatisme, des dommages psychologiques, des problĂšmes de dĂ©veloppement ou un dĂ©cĂšs. La violence est observable chez les humains comme chez les animaux, ce qui indique sa dimension Ă©volutive et biologique. Chez l'animal, la violence est limitĂ©e par l'instinct, alors qu'elle est illimitĂ©e chez l'ĂȘtre humain, d'oĂč la nĂ©cessitĂ© de rĂ©guler la violence. Dans les sociĂ©tĂ©s traditionnelles, cette rĂ©gulation s'opĂšre par le sacrĂ©. Dans les sociĂ©tĂ©s modernes, marquĂ©s par la division du travail entre individus fortement diffĂ©renciĂ©s, elle se fait pas le droit. Discuter, est-ce renoncer Ă la violence ? Dans un premier temps, nous verrons que la discussion peut s'apparenter Ă la violence, puis que le vrai dialogue implique la renonciation Ă la violence et nous chercherons enfin quelles sont les conditions d'un dialogue authentique et non violent. 1. Discuter n'est pas forcĂ©ment renoncer Ă la violence Discuter n'est pas forcĂ©ment renoncer Ă la violence. On peut Ă©changer des paroles aussi violentes que des coups. Dans ce cas, les deux interlocuteurs demeurent des adversaires. Il s'agit de rendre parole pour parole, coup pour coup. Dans les "scĂšnes de mĂ©nage", les amants ou les Ă©poux ne cherchent pas Ă dĂ©velopper des arguments, mais Ă blesser et Ă avoir le dernier mot. Et le dernier mot peut ĂȘtre "une parole qui tue", qui vous dĂ©truit psychologiquement, ce qui montre bien que la discussion peut ĂȘtre une forme de violence. Selon RenĂ© Girard La violence et le sacrĂ©, la violence provient d'un dĂ©sir d'appropriation d'un objet qui n'a de valeur que par le fait d'ĂȘtre dĂ©sirĂ© par l'autre, que RenĂ© Girard appelle le mĂ©diateur. Cette mimesis d'appropriation mimesis vient du grec imitation parce que les "doubles" s'imitent l'un l'autre engendre mĂ©caniquement la mimesis de rivalitĂ©, du fait que les deux protagonistes se dĂ©tournent de l' objet qu'ils dĂ©sirent pour s'intĂ©resser au mĂ©diateur qu'ils sont l'un pour l'autre. Cette mimesis d'appropriation existe aussi chez les animaux, comme on le voit par exemple dans le marquage du territoire ou la rivalitĂ© sexuelle. La diffĂ©rence avec l'homme, c'est que chez l'homme elle n'est pas rĂ©gulĂ©e par l'instinct, si bien qu'elle peut aller jusqu'Ă la mort de l'autre et de proche en proche de la communautĂ© tout entiĂšre, d'oĂč les prĂ©cautions extrĂȘmes prises contre la violence mimĂ©tique dans les sociĂ©tĂ©s traditionnelles interdiction de l'inceste, exogamie, etc. et des pratiques qui nous paraissent incomprĂ©hensibles et contradictoires comme les tabous qui prohibent totalement tout ce qui pourrait entraĂźner la violence et les rituels qui la permettent sous la forme limitĂ©e du sacrifice. On peut rapprocher l'analyse de la violence que fait RenĂ© Girard de la "lutte pour la reconnaissance" de Hegel dans le passage de PhĂ©nomĂ©nologie de l'Esprit oĂč il est question de la "dialectique du maĂźtre et de l'esclave". Dans L'art d'avoir toujours raison Schopenhauer explique ironiquement comment s'y prendre pour avoir toujours le dernier mot. Il expose une sĂ©rie de stratagĂšmes permettant de l'emporter lors de controverses, indĂ©pendamment de la vĂ©ritĂ© du point de vue que l'on soutient. Schopenhauer cherche Ă distinguer ces stratagĂšmes afin de pouvoir les dĂ©noncer. Schopenhauer nomme l'art d'avoir toujours raison "la dialectique Ă©ristique" Ă©ristique vient d'un mot grec qui signifie combat. La dialectique Ă©ristique est une technique de controverse qui repose sur la distinction entre la vĂ©ritĂ© et l'apparence de la vĂ©ritĂ©. Son but est de convaincre les auditeurs que l'on a raison, mĂȘme si l'on a objectivement tort en faisant passer l'apparence de la vĂ©ritĂ© pour la vĂ©ritĂ© elle-mĂȘme. Selon Pierre Bourdieu, notre maniĂšre de parler reflĂšte les positions de force et de domination qui traversent la sociĂ©tĂ©. Il ne suffit donc pas de renoncer Ă la force dans la discussion pour Ă©chapper Ă la violence qui peut ĂȘtre symbolique. 2. Le vrai dialogue implique la renonciation Ă la violence Dans le Gorgias, CalliclĂšs affirme que "le beau et le juste selon la nature, c'est que pour bien vivre, il faut entretenir en soi-mĂȘme les plus fortes passions au lieu de les rĂ©primer, et qu'Ă ces passions, quelques fortes qu'elles soient, il faut se mettre en Ă©tat de donner satisfaction par son courage et son intelligence, en leur prodiguant tout ce qu'elles dĂ©sirent". Autrement dit, le beau et le juste consistent Ă se passer de la morale et Ă faire ce qui nous plaĂźt. CalliclĂšs n'apprĂ©cie pas la philosophie et considĂšre le dialogue comme un jeu, c'est-Ă -dire qu'il ne peut dĂ©boucher sur aucune vĂ©ritĂ©. Il ne croit pas Ă la maĂŻeutique. Il ne veut pas se laisser accoucher par Socrate de cet enfant plus beau que la violence, de cette vĂ©ritĂ© plus haute que la violence verbale au service de l'Ă©goĂŻsme et de la volontĂ© de puissance. il n'est pas convaincu par les dĂ©monstrations de Socrate et demeure dans son opinion initiale. CalliclĂšs s'oppose donc Ă la discussion comme au dialogue et son refus est une forme de violence car il correspond bien au point de vue qu'il dĂ©fend le juste et le beau consistent Ă se passer de la morale qui ne vaut que pour les faibles et Ă faire ce qui nous plaĂźt. La discussion s'oppose Ă la guerre et la guerre lui fait place sous la forme de pourparlers de paix, qui laissent la parole aux diplomates. Mais pour que les discussion dĂ©bouchent sur une paix durable, il faut que les interlocuteurs soient de bonne volontĂ© et n'aient pas "une idĂ©e derriĂšre la tĂȘte", comme Ă Munich en 1938. La discussion implique la volontĂ© sincĂšre de se mettre d'accord, de faire des concessions et de renoncer Ă la violence. 3. les conditions d'un dialogue authentique et non violent Le philosophe JĂŒrgen Habermas dĂ©veloppe de son cĂŽtĂ© l'idĂ©e d'un principe de discussion capable de remplacer l'ImpĂ©ratif catĂ©gorique. Kant pense qu'il est possible de se mettre d'accord rationnellement sur ce qui est juste et injuste, mais que l'Ă©valuation des normes s'opĂšre dans la conscience de chacun. Habermas considĂšre que l'accord rationnel sur le juste et l'injuste passe par le dialogue. Nous dĂ©terminons si une rĂšgle de conduite et d'action ou un comportement sont moraux par une discussion qui doit ressembler autant que possible Ă une situation de libertĂ© de parole absolue et de renoncement aux comportements "stratĂ©giques" apparentĂ©s Ă la "dialectique Ă©ristique" que dĂ©veloppe Schopenhauer dans l'art d'avoir toujours raison. Au lieu d'imposer mon point de vue personnel aux autres comme une vĂ©ritĂ© qui vaut aussi pour les autres, je dois soumettre mon opinion Ă tous les autres afin dâexaminer par la discussion sa prĂ©tention Ă lâuniversalitĂ©, explique Habermas dans Morale et communication, ainsi sâopĂšre un glissement le centre de gravitĂ© ne rĂ©side plus dans ce que chacun souhaite faire valoir, sans ĂȘtre contredit, comme Ă©tant une vĂ©ritĂ© universelle, mais dans ce que tous peuvent unanimement reconnaĂźtre comme une vĂ©ritĂ© universelle. Karl-Otto Appel se demande comment mettre en place une discussion oĂč les Ă©changes ne soient pas dominĂ©s par l'instrumentalisation stratĂ©gique de la communication, mais plutĂŽt orientĂ©s vers l'entente et l'intercomprĂ©hension. Comment un responsable politique peut-il continuer Ă faire valoir les exigences d'une discussion argumentĂ©e face Ă la menace de l'usage de la violence ou Ă l'instrumentalisation cynique du discours ? Pour Apel, il faut fonder une Ă©thique de la discussion. Le principe moral de la discussion permet de domestiquer par le dialogue public les violences et les rapports de force propres au systĂšme politique. Le nom de Karl-Otto Apel est souvent associĂ© Ă celui de JĂŒrgen Habermas. Les deux hommes Ă©taient amis et s'estimaient mutuellement, mais n'Ă©taient pas toujours d'accord, tĂ©moignant du fait qu'une communication authentique repose avant tout sur une exigence de vĂ©ritĂ© qui dĂ©passe la personne, les intĂ©rĂȘts, les convictions et l'amour propre des deux interlocuteurs. Jaspers nommait l'absolu de la recherche de la vĂ©ritĂ© dans la communication existentielle "le combat par amour" liebender Kampf. Apel et Habermas mettent l'accent sur la notion de "communication" qu'ils placent au cĆur de leur rĂ©flexion sur la morale, sur la politique et sur le droit. Puisque l'homme est un "animal parlant", "zoon logikon" Aristote dont le comportement n'est pas rĂ©glĂ© par l'instinct, mais par la pensĂ©e et le langage, c'est Ă travers la rĂ©flexion sur le langage que l'on pourra trouver les normes d'un conduite authentiquement humaine. Une telle conduite ne saurait ĂȘtre fondĂ©e, comme l'a montrĂ© Kant, sur la nĂ©cessitĂ© les lois de la nature, mais sur le devoir, non sur l'intĂ©rĂȘt ou mĂȘme le bonheur comme dans la pensĂ©e antique, mais sur la raison et la libertĂ©. Kant Ă©voque un individu seule face Ă sa conscience, confrontĂ© Ă la nĂ©cessitĂ© de se dĂ©cider en fonction de l'impĂ©ratif catĂ©gorique - le mĂȘme, formulĂ© de quatre façons diffĂ©rentes - et non d'un impĂ©ratif hypothĂ©tique centrĂ© sur l'intĂ©rĂȘt personnel "Agis seulement d'aprĂšs la maxime grĂące Ă laquelle tu peux vouloir en mĂȘme temps qu'elle devienne une loi universelle." Fondements de la mĂ©taphysique des mĆurs. L'impĂ©ratif catĂ©gorique est indissociablement centrĂ© sur soi mĂȘme et sur autrui, comme le montre sa deuxiĂšme formulation "Agis de telle façon que tu traites l'humanitĂ©, aussi bien dans ta personne que dans toute autre, toujours en mĂȘme temps comme fin et jamais simplement comme moyen." Apel et Habermas dĂ©veloppent cet aspect de la morale kantienne en montrant que le devoir moral s'inscrit dans un dialogue intersubjectif qui suppose la sincĂ©ritĂ© au moins dans l'intention, l'authenticitĂ©, la vĂ©racitĂ© et la justesse de la parole et dont ils se proposent de montrer les conditions de possibilitĂ©. Ils affirment par ailleurs que le "point de vue moral" ne concerne pas seulement les relations intersubjectives, mais aussi les relations entre les personnes en tant que citoyens, entre les citoyens et l'Etat pour la constitution et le maintien d'un authentique Etat de droit, ainsi qu'entre les Etats, comme l'avait fait Kant dans son Projet de paix perpĂ©tuelle. Apel et Habermas mettent donc l'accent sur le langage et sur la communication, en insistant sur la dimension intersubjective parce qu'elle est au cĆur de la rĂ©alitĂ© humaine, sur l'importance de la notion d'autrui, presque inexistante dans la pensĂ©e traditionnelle, y compris chez Descartes et qui va devenir essentielle Ă partir de Hegel le conflit des consciences dans la dialectique du maĂźtre et de l'esclave - , dans la phĂ©nomĂ©nologie de Husserl et de ses continuateurs Jean-Paul Sartre, Maurice Merleau-Ponty et Emmanuel LĂ©vinas. Les deux hommes ont manifestĂ© un intĂ©rĂȘt commun pour la philosophie analytique Peirce, Russel, Ayer, Wittgenstein... et les thĂ©ories des actes de langage Austin, Searle selon lesquelles tout acte de parole implique une prĂ©tention Ă la vĂ©ritĂ© et se sont aventurĂ©s sur un chemin esquissĂ© par Wittgenstein d'une Ă©thique fondĂ©e sur l'examen du langage et sur la valeur de vĂ©ritĂ© des propositions. RĂ©cusant la neutralitĂ© ou le scepticisme axiologique de la dĂ©marche logico-scientifique, Ă la lumiĂšre des Ă©vĂ©nements passĂ©s le nazisme et la seconde guerre mondiale et rĂ©cents la guerre du Kosovo, ils ont rĂ©solument replacĂ© l'Ă©thique de la discussion au cĆur de la pensĂ©e. 4. D'oĂč provient le refus de discuter ? Mais d'oĂč provient le refus de discuter ? D'aprĂšs Hegel, d'une certaine forme de pensĂ©e qui considĂšre a priori que le dialogue est inutile parce qu'on rĂ©duit l'autre Ă un seul de ses attributs. "Cet homme est mon valet" on peut dire que le maĂźtre du valet ne retient de son serviteur qu'un aspect particulier accidentel de sa personne. Il est un valet et toute autre chose qu'un valet, par exemple il possĂšde la facultĂ© d'observer et de raisonner qui peut ĂȘtre plus dĂ©veloppĂ©e que celle de son maĂźtre, comme en tĂ©moigne Jacques le fataliste de Diderot, Ćuvre que cite favorablement Hegel. Hegel cite un autre exemple de pensĂ©e rĂ©ductrice, celle du soldat que l'on peut rouer de coups car on l'a prĂ©alablement dĂ©fini comme une "canaille". Il est par essence une canaille, mĂȘme s'il n'a rien fait pour mĂ©riter d'ĂȘtre puni et on peut donc le rouer de coup. "La violence de l'abstraction, commente Ari Simhon dĂ©bouche sur la violence rĂ©elle oĂč un homme, parce qu'il est rĂ©duit Ă sa particularitĂ© de subordonnĂ©, Ă sa qualitĂ© de soldat ordinaire et donc bastonnable, ouvre droit, par cette qualitĂ© qu'il est, de ce point de vue, Ă la violence que peut exercer sur lui son supĂ©rieur. Ce faisant, c'est-Ă -dire en le bastonnant, cet officier pense abstraitement et, rĂ©duisant l'homme Ă sa qualitĂ© de subordonnĂ©, puis le subordonnĂ© Ă la qualitĂ© de bastonnable, se rĂ©duit lui-mĂȘme Ă cette particularitĂ© d'ĂȘtre officier. Le mĂ©pris n'est pas voilĂ© pour celui dont on devine qu'il n'est alors, hĂ©gĂ©liennement, qu'une "espĂšce d'officier". Le refus de discuter provient du fait de ne pas considĂ©rer l'autre comme un interlocuteur valable. 5. Les enjeux actuels du problĂšme La cause principale de la violence dans la discussion ou dans l'absence de discussion est le fait de classer celui que l'on considĂšre comme un "adversaire" dans une catĂ©gorie bien dĂ©finie. Toute dĂ©termination dit Spinoza est une nĂ©gation. "Noir", "blanc", "femme", "LGBT", minoritĂ© opprimĂ©e, ces dĂ©termination sont pertinentes, mais incomplĂštes, unilatĂ©rales. Hegel nous invite Ă les intĂ©grer dans un vision plus large qui les dĂ©passe sans les supprimer, bref, Ă ne pas penser abstraitement, Ă ne pas rĂ©duire un individu Ă la couleur de sa peau, son genre, son orientation sexuelle. Le propre du discours raciste est de gĂ©nĂ©raliser, mais aussi dĂ©sormais celui d'un certain discours anti-raciste. "Tenaille identitaire. Pourquoi "tenaille" Ă©crit Gilles Clavreul, parce que ces propositions que tout oppose politiquement par exemple celle des suprĂ©matistes amĂ©ricains et des celle des "wokes", s'articulent nĂ©anmoins autour d'un mĂȘme axe. Elle prĂ©tendent rapporter ce que l'on dit Ă ce que l'on pense et ce que l'on pense Ă ce que l'on est. Ce faisant, le tout identitaire Ă©touffe petit Ă petit la conversation dĂ©mocratique, rabattant le citoyen sur l'individu et l'individu sur ses attaches, sa naissance, son genre ou encore la religion dans laquelle il a Ă©tĂ© Ă©levĂ©, il assigne Ă chacun des positions fixes et tue l'idĂ©e de dĂ©libĂ©ration collective. Second attribut de la tenaille la pression de la pince gauche accentue celle de la pince droite, et rĂ©ciproquement. Elles s'entre-alimentent dans une surenchĂšre d'anathĂšmes et de procĂšs en sorcellerie oĂč chacun est sommĂ© de prendre parti ou enrĂŽlĂ© de force dans l'un ou l'autre camp." Conclusion la violence ne s'oppose pas Ă la discussion car certaines discussion peuvent ĂȘtre trĂšs violences, mĂȘme sans violence physique quand elles cherchent Ă imposer son point de vue et Ă discrĂ©diter ou Ă dĂ©truire l'adversaire. Schopenhauer nomme l'art d'avoir toujours raison la dialectique Ă©ristique et cherche Ă mettre en lumiĂšre ses procĂ©dĂ©s pour mieux les dĂ©noncer. Comme le montre le Gorgias de Platon, tout dialogue authentique implique la renonciation Ă la violence et la volontĂ© sincĂšre de jouer le jeu du dialogue. Karl-Otto Appel et JĂŒrgen Habermas, trĂšs marquĂ©s par les tragiques Ă©vĂ©nements du XXĂšme siĂšcle tentent de mettre en place une Ă©thique de la discussion. Une des causes de la violence verbale, mais qui peut dĂ©boucher sur la violence physique est le fait de classer l'autre que l'on considĂšre a priori comme un "ennemi" dans une catĂ©gorie dĂ©finie a priori. Selon Gilles Clavreul, "le tout identitaire Ă©touffe petit Ă petit la conversation dĂ©mocratique, rabattant le citoyen sur l'individu et l'individu sur ses attaches, sa naissance, son genre ou encore la religion dans laquelle il a Ă©tĂ© Ă©levĂ©, il assigne Ă chacun des positions fixes et tue l'idĂ©e de dĂ©libĂ©ration collective."
Delâautre, la VĂ©ritĂ© semble Ă©ternelle et incontestable. Il y aurait donc un hiatus entre le domaine de la vĂ©ritĂ© et celui du doute. Dâun point de vue statique, câest vrai, et il faudra voir ce qui oppose ces Ă© domaines dans les 2 premiĂšres parties. Mais dâun point de vue dynamique, le doute est un cheminement vers la VĂ©ritĂ©
Dans la Pesanteur et la GrĂące, Simone Weil dĂ©voile son lent cheminement vers Dieu, et donc vers la vĂ©ritĂ©. Pour parvenir Ă ses fins, elle nâa de cesse de se dĂ©pouiller de tout â jusquâau moindre mot superflu dans ses aphorismes. De lâabandon de tout Ă la difficile apprĂ©hension du vide, lâhomme est-il vraiment capable dâaccĂ©der Ă la vĂ©ritĂ© ? Simone Weil En juin 1941, Simone Weil sâinstalle provisoirement chez Gustave Thibon, philosophe catholique français, qui a finalement consenti Ă lâaccepter quelques temps comme travailleuse dans sa ferme. La derniĂšre fois quâelle voit son hĂŽte, en 1942, elle lui remet un bien prĂ©cieux souvenir onze cahiers Ă©crits de sa main. Si jamais Gustave Thibon nâentend plus parler dâelle dans les trois ou quatre annĂ©es Ă venir, il aura la libertĂ© dâutiliser ces textes comme il le souhaite. Câest ainsi quâest nĂ©e cinq annĂ©es plus tard la Pesanteur et la GrĂące. Le caractĂšre posthume de cette publication pourrait a priori nous gĂȘner par certains aspects â choix et ordre des aphorismes laissĂ©s aux soins de Thibon â, en fait il nâen est rien. LâinterprĂ©tation de lâĆuvre de Simone Weil ne laisse ici que peu de doutes. Et ce, quelle que soit la place des aphorismes dans le recueil. Il sâagit lĂ de la marque dâune pensĂ©e simple et cohĂ©rente, comprĂ©hensible sans contexte, ni notes explicatives de lâauteur. Câest le signe dâune rĂ©flexion atemporelle, et mĂȘme, Ă©ternelle. Ces courtes rĂ©flexions font Ă©tat, en toute humilitĂ©, de lâavancĂ©e de Simone Weil dans sa quĂȘte de la vĂ©ritĂ©. Ă leur lecture, on dĂ©couvre que cette recherche de la vĂ©ritĂ© passe par un cheminement exclusivement personnel, propre Ă chacun. La philosophe nous dĂ©blaye cependant dĂ©jĂ une partie de la route, en nous livrant, Ă grands traits, les indications pour trouver le vrai et le bien. Mon Dieu, accordez-moi de devenir rien » La premiĂšre Ă©tape que propose Simone Weil se rĂ©sume en peu de mots le dĂ©tachement de tout. Absolument tout. Il faut dâabord renoncer Ă toute forme de biens matĂ©riels. Ceux-ci doivent ĂȘtre abandonnĂ©s en raison de leur superficialitĂ© et de leur contingence, mais surtout du fait de la dangerositĂ© du lien qui les relie aux biens spirituels. Elle explique en effet quâil faut les concevoir et les sentir comme conditions de biens spirituels exemple la faim, la fatigue, lâhumiliation obscurcissent lâintelligence et gĂȘnent la mĂ©ditation et nĂ©anmoins y renoncer ». Il est intĂ©ressant de constater que, chez Simone Weil, la radicalitĂ© de ses idĂ©es va jusquâĂ mettre en danger lâexistence mĂȘme de sa pensĂ©e. Câest parce quâelle sait que les biens matĂ©riels â qui englobent pour elle les besoins Ă©lĂ©mentaires humains tels que lâalimentation ou le sommeil â peuvent porter atteinte Ă ses facultĂ©s spirituelles quâelle dĂ©cide dây renoncer. Gustave Thibon Cela fait partie de son projet global de renoncer Ă tout ce qui existe. Tout y passe le temps, qui nous pervertit en nous laissant une possibilitĂ© dâimagination et donc un Ă©chappatoire Ă notre malheur, mais aussi lâobjectivation du dĂ©sir, ou encore le je ». Ă propos de ce tout dernier point, elle affirme sans dĂ©tour quâ il nây a absolument aucun autre acte libre qui nous soit permis, sinon la destruction du je ». Il sâagit bien ici dâun suicide philosophique, conçu comme condition pour accĂ©der Ă la vĂ©ritĂ©. LâĂ©tape suprĂȘme, aprĂšs mĂȘme la destruction du je », consistera Ă renoncer aux autres, Ă la vie sociale. Elle lâĂ©nonce ainsi Il ne faut pas ĂȘtre moi, mais il faut encore moins ĂȘtre nous. » Dâune difficultĂ© suprĂȘme â justement parce que lâamour dâautrui ou lâattachement aux autres semble ĂȘtre une forme de renoncement de soi â cette Ă©tape est pourtant indispensable. Simone Weil Ă©crit en effet que la sociĂ©tĂ© est la caverne, la sortie est la solitude ». La lumiĂšre de lâhomme se trouve en dehors de la sociĂ©tĂ©. Il faut donc parvenir Ă sâen extraire pour pouvoir en jouir. Ce dĂ©tachement radical de lâexistence nâa quâun but atteindre le malheur, la solitude, la misĂšre. Autrement dit, le vide. Le vide sâavĂšre ĂȘtre un concept fondamental dans lâĆuvre de Simone Weil, car il est le seul Ă©tat humain qui permette lâaccĂšs Ă la vĂ©ritĂ©. Le vide est ce qui permet Ă Dieu dâaimer lâhomme. Mon Dieu, accordez-moi de devenir rien. Ă mesure que je deviens rien, Dieu sâaime Ă travers moi. » Dieu, la VĂ©ritĂ© et le Bien Une fois le vide installĂ©, il ne reste plus quâĂ attendre Dieu. Ce vide laisse toute la place nĂ©cessaire Ă Dieu pour nous aimer, justement parce que le champ est complĂštement libre et que la moindre parcelle de notre corps et de notre esprit est tournĂ©e vers lui. Or si Dieu parvient Ă nous aimer, il faut en dĂ©duire que nous devons nous aimer Ă©galement Ce nâest pas parce que Dieu nous aime que nous devons lâaimer. Câest parce que Dieu nous aime que nous devons nous aimer. Comment sâaimer soi-mĂȘme sans ce motif ? » Si lâamour de soi qui rĂ©sulte de lâamour de Dieu pourrait paraĂźtre, Ă premiĂšre vue, Ă©trange compte tenu du premier mouvement de destruction du je », il faut bien garder Ă lâesprit que cet amour de soi ne peut intervenir que par le biais de Dieu. Câest comme crĂ©ature aimĂ©e par Dieu que nous pouvons nous aimer. Et pour pouvoir ĂȘtre digne de cet amour, il est nĂ©cessaire dâĂȘtre purifiĂ© de tout, jusquâĂ perdre la seule trace apparente de son existence, le je ». Reste Ă savoir comment dĂ©celer cet amour de Dieu. Comment reconnaĂźtre Dieu ? La philosophe explique tout simplement que le monde en tant que tout Ă fait vide de Dieu est Dieu lui-mĂȘme ». Cela confirme encore une fois que le vide est effectivement nĂ©cessaire Ă la manifestation divine. Câest dans lâabsence de tout, et donc de lui-mĂȘme aussi, que Dieu apparaĂźt. La descente du Saint-Esprit de Titien Quid de la vĂ©ritĂ© dans tout cela ? Pour le comprendre, il faut bien saisir ce que Simone Weil entend par Dieu ». Plus quâun Dieu chrĂ©tien, câest un symbole de la transcendance. Câest lâimage suprĂȘme de ce qui peut transcender lâhomme. Ce Dieu semble finalement faire rĂ©fĂ©rence Ă la vĂ©ritĂ© et au bien absolu, comme seules idĂ©es capables de transcender lâhomme. Que la lumiĂšre Ă©ternelle donne, non pas une raison de vivre et de travailler, mais une plĂ©nitude qui dispense de chercher cette raison » Ă©crit-elle dans lâun de ses derniers aphorismes. La recherche du vrai et du bien serait capable de procurer Ă lâhomme cette plĂ©nitude » quâelle Ă©voque, justement parce que cette quĂȘte ne peut procurer de rĂ©elle raison de vivre et de travailler ». La recherche de la vĂ©ritĂ© et du bien passe par le cheminement intĂ©rieur dĂ©crit en premier lieu, pour arriver au vide et par-lĂ Ă Dieu et Ă lâamour de soi. Telle est la seule plĂ©nitude ». La grĂące seule le peut » Ă quoi pourrait donc ressembler une vie menĂ©e par cette quĂȘte de la transcendance, cette recherche de Dieu ? Elle induit, dĂ©jĂ , la solitude. Lâattachement aux autres nous dĂ©tourne inĂ©vitablement du bien absolu car câest le social qui jette sur le relatif la couleur de lâabsolu ». Or il nây a rien de pire que de confondre bien relatif et bien absolu, puisquâentre les deux il nây a pas une diffĂ©rence de degrĂ©, mais bien de nature. Lâun, le premier, est le contraire du mal, lâautre ne peut se concevoir que par lui-mĂȘme, il est absolu. Il faut absolument chercher la solitude pour pouvoir prendre conscience de ce bien absolu. Autrement dit, nous revenons Ă ce que nous Ă©voquions plus haut la sortie de la caverne passe par la solitude. La quĂȘte de la vĂ©ritĂ© est Ă©galement faite de limite â surtout parce que lâinfini renvoie au plaisir, or tout plaisir est Ă bannir de sa vie. Ainsi, elle prĂŽne une vie mesurĂ©e et limitĂ©e en ces termes [âŠ] Un, le plus petit des nombres. âLe un qui est lâunique sageâ. Câest lui lâinfini. Un nombre qui croĂźt pense quâil sâapproche de lâinfini. Il sâen Ă©loigne. Il faut sâabaisser pour sâĂ©lever. Si 1 est Dieu, â est le Diable. » Se limiter, câest prendre conscience de la finitude des choses et par-lĂ , de nous-mĂȘmes. Cela nous aide Ă©galement Ă concevoir la mort plus sereinement puisque, par certains aspects, nous sommes Ă lâorigine de notre mort. La limite, câest le contrĂŽle de tout. Finalement, câest au plus simple quâil faut rĂ©duire sa vie. Dâune façon extrĂȘme â jusquâau vide. Et câest bien lĂ toute la difficultĂ©. Il faut accĂ©der au vide, et cependant le supporter, sây engouffrer. Ne pas exercer tout le pouvoir dont on dispose, câest supporter le vide. Cela est contraire Ă toutes les lois de la nature la grĂące seule le peut. »
. 87 373 439 444 396 32 116 451
douter est ce renoncer à la vérité